G è n e s ,  l a   l i g n e   d e   c o u t u r e   p o r t  -  v i l l e  ,   u n e  c o m m a n d e   d o c u m e n t a i r e

d e   S t e f a n o   B o e r i   r e s p o n s a b l e   d e   l ' a g e n c e   d e   p l a n   du   P o r t   d e  G è n e s

nov.- déc. 1997

 

Dans sa forme imprimée, le travail est constitué de deux ensembles de photographies de longueur inégale, 

courant le long des pages selon une organisation topographique. En bas de page, un ensemble décrit la 

ligne de couture entre le port et la ville. En haut de la page, des portraits de travailleurs du port et des 

photographies des quartiers qu'ils habitent.

 

Les photographies sont dans une succession géographique. En partant du Palazzo San Giorgio, siège de 

l'Autorité Portuaire, on se dirige vers le sud, au niveau de la mer et sous la sopraelevata (autoroute urbaine 

surélevée). On est sur le territoire du port. On repart ensuite vers le nord, par la route de la corniche. 

Du fait de la topographie à cet endroit-là (trois niveaux en escaliers: port, sopraelevata,corniche), 

il y a une coupure totale entre le port et la ville. On retrouve le niveau de la mer près du port  antique ; là 

une reprise du territoire portuaire par la ville est déjà réalisée (en 1997, promenade, cinémas, restaurants, 

patinoire, aquarium). On continue ensuite jusqu'à la limite nord des installations portuaires.

 

Cet  ensemble et les portraits, parallèles et indépendants, produisent de façon aléatoire des interactions dans 

l'ensemble visuel constitué par deux pages opposées.

 

 

 

L"originalité de la commande est qu'elle se situe très tôt dans le processus de réflexion de l'équipe de 

Stefano Boeri sur la restructuration du Port de Gènes. Deux photographes et deux écrivains étaient invités

à réfléchir sur l'identité d'une ville portuaire en mutation.

Les photographies et les textes devaient alimenter le projet urbanistique.

 

 

 

Je me suis posé la question du rapport ambigu que les villes portuaires entretiennent avec la mer. 

Pourquoi les villes portuaires tournent-t-elles le dos à la mer ? Comment lorsque les paramètres économiques 

et industriels changent, peuvent-elles se réapproprier cette façade littorale ?

 

 

Il s'agissait pour moi de repérer les configurations singulières dans la zone de contact entre le port et la ville ; 

points de conflit, rencontres poétiques.

 

Ma méthode de travail : arpenter toute la zone en passant d'un côté et de l'autre de la "frontière", comme 

l'aiguille de la couturière, repérer  le plus précisément possible les parcours, les interpénétrations; retourner 

sur les mêmes lieux plusieurs fois ; bref gagner une familiarité, une complicité avec le territoire.

J'ai travaillé avec une chambre photographique grand format, qui donne lenteur, stabilité et poids, une grande 

précision mais aussi une appréhension physique du territoire. 

 

Du fait de la topographie, cette frontière port-ville joue sur une grande partie de sa longueur avec 

la sopraelevata, l'autoroute urbaine permettant de traverser Gènes.

La question de la sopraelevata est très importante puisqu'elle articule les notions de privé (le port), 

public (la ville), dessus, dessous (soleil et ombre).

La sopraelevata est un monument ambigu, brutal et beau ; elle permet aux automobilistes de

traverser Gènes en ayant d'emblée la vision la plus complexe et la plus juste de la ville.

Pour cela, la question de son remplacement par un tunnel sous le port antique doit poser plus qu'un problème 

de choix technique et nécessite débat et réflexion

 

On voit qu'il n'est pas question de répertorier des objets architecturaux, puisque ce qu'il importe de sauvegarder

c'est l'esprit des lieux,

L'enjeu de ces reprises de territoires est toujours, en adaptant la ville aux nouvelles conditions, en la renforçant 

par rapport à ses concurrentes, de conserver ou de réaffirmer son identité et son originalité.

 

De telles zones géographiques sont des points de conflit entre deux pouvoirs (l'économique et le politique ; 

entre privé et public) chacun obéissant à sa propre logique et ménageant ses intérêts.

 

Les aménageurs et les élus doivent aussi laisser parler les lieux, les visages et les corps.

 

On comprend bien alors la valeur d'un travail documentaire, faisant la part belle à la réalité  des espaces et 

prenant en compte l'appréhension qu'en ont les habitants, en n'oubliant jamais qu'une ville c'est aussi de 

l'imaginaire et de la fiction.

Un travail analytique rigoureux et précis mais aussi poétique peut permettre de faire le pas de côté qui change 

la perspective.

 

 

Il y faut une volonté politique et le courage de considérer la réponse dans sa complexité :

On peut alors y voir la réalité, plus que la réalité, le décor du théâtre urbain, des pistes pour le devenir de la ville.

jls

 

 

 

 

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