Jean-Louis Schoellkopf est photographe. Pas photographe d'architecture.

Aux objets architecturaux, aux oeuvres singulières, il préfère la ville, le débordement, le hors champ, le plein du pathétique de la vie, 

le travail et les terrasses de café, la joie et les hortensias, la tristesse et les chaises mal rangées. 

Son oeuvre ne vient pas d'un coup d'oeil sur tel ou tel fait, mais bien davantage d'un regard épris des êtres, de leurs vies et de leurs mondes, 

le point de vue volontaire d'un artiste à part entière, une manière d'être parmi eux avant tout. 

Engagé, Schoellkopf n'est jamais de passage. Comme à Plourin-Lès-Morlaix.

Dans ce bourg finistérien qu'une calme demi-journée suffit à parcourir, en cours d'aménagement depuis treize années (1991-2003), 

où l'on revient ordinairement au centre quelle que soit la venelle ou le passage suivis, il séjourne trois semaines, trois fois une semaine 

à des saisons différentes, pour le ciel et le sol et les arbres et les murs qui font architecture, et les voitures.

Et les gens toujours, tous les " Jean de Plourin ". 

Finalement, à leur tour, ils viennent à lui, veulent savoir ce que cet étranger en bleu de chauffe et appareil au côté attend d'eux ; 

aujourd'hui, il est des leurs, parmi ceux qu'il suit jusque dans le séjour de leur maison de famille, dans cet intime du peuple. 

Ce faisant, il révèle que l'écart si souvent évoqué entre la culture populaire et la culture dite savante des architectes n'existe pas ici. 

Ils sont autant propriétaires de l'architecture contemporaine au coeur de Plourin, " sans toit " comme ils disent, que de leur maison, 

avec la même légitime fierté.

Schoellkopf n'expose pas leurs choses, mais l'étendue entre eux et les choses, et la richesse du monde là et de l'autre côté du coin de la rue. 

Il manifeste ce que nous savions, mais que, au nom d'exigences éditoriales, bien peu d'architectes et de photographes d'architecture se résolvent à saisir : 

pour montrer un bâtiment, situé en accord ou ignorance avec son contexte, rien ne vaut que de photographier ailleurs jusqu'à l'horizon ; 

alors seulement la vérité du lieu se donne, et son étendue intérieure, sa capacité à inclure le différent, l'ailleurs, le lointain.

Foin de l'esthétisme. Schoellkopf prend en photo les presque-rien, suit des charmes et des hasards, les assemble, les additionne et révèle tout à coup, 

dans un don si grave et infime à la fois, que la somme des presque-rien fabrique une totalité unique. Il rend présents les gens, seuls ou en groupes familiaux ou sociaux, 

et les lieux où se passent les événements de leurs vies, les usages, les souvenirs et les détails, c'est-à-dire le sacré du quotidien.

En manifestant cela, il dit ce qui fonde l'être-ensemble, notre être-ensemble : le politique.

 

Philippe Madec

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