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Ce texte, maintenant ancien, peut paraître naïf. On mesure par là combien l'espoir d'une résolution du conflit s'est aujourd'hui éloigné.
jls,2009




Israel - Palestine
propos recueuillis par Jean-François Chevrier, août 1993


L'image permet de rapprocher ce qui est lointain. C'est dans cet esprit qu'ont travaillé les premiers photographes du Proche-Orient au XIXème siècle.
Ils allaient surtout photographier la Palestine biblique et les portes de l'Orient.
Pour ma part, je suis allé en Israel et j'ai rencontré d'abord des israeliens. Je n'ai pas cherché la Palestine biblique, pas plus que mes premiers interlocuteurs
ne la cherchent ou ne l'ont cherchée. En revanche, je me suis intéressé aux Palestiniens, aux habitants de l'ex-Palestine, dont une petite part est constituée
depuis très longtemps de juifs.
Je n'ai pas cherché les indices d'un futur état palestinien, comme je n'ai pas montré les signes de l'état israelien existant, avec ses monuments symboliques et
ses déterminations socio-économiques.

J'ai essayé de m'approcher des gens, comme je le fais toujours. En même temps, chaque fois que j'étais confronté à ce qu'il peut y avoir de dramatique dans
leur situation, du côté israelien comme du côté palestinien, j'ai évité de le montrer. En somme, j'ai maintenu la distance et même une distance égale. J'étais
dans un territoire divisé, partagé, entre des communautés hostiles, dans un pays en état de guerre. Les journaux, la télévision ne cessent de le montrer.
Israel est évidemment - et c'est visible chaque jour - un pays en armes. J'ai montré un pays pacifié.
Quand je vais dans un camp de réfugiés palestiniens, j'oublie les barbelés et la présence militaire. On pourrait me reprocher de prendre le parti (ou le poine de vue)
du vainqueur. Mais les Palestiniens ne sont pas que des victimes, ce sont les habitants légitimes d'un territoire, à égalité avec les Israeliens.
Je crois que j'ai été assez obsédé par cette possibilité d'égalité, ou d'égalisation, entre les communautés coexistantes.

A la proximité visuelle on associe généralement des idées de tension et de concentration. Tous les poncifs du reportage et de la photographie engagée résultent
de cette association d'idées. Pour moi, la proximité est surtout un signe de confiance. Celui dont je m'approche me fait confiance. En même temps, je ne veux pas
trop m'approcher. Je me méfie de tout effet d'intensité dramatique. C'est pourquoi je privilégie de plus en plus une vision globale.
Un travail photographique n'est pas une addition de moments privilégiés, mais un ensemble d'images ou, mieux, de séquences, qui suppose des équilibres de
données, des combinaisons de point de vue.
Une séquence et à fortiori une image ne veulent rien dire en elles mêmes, isolées. Et ce n'est pas une exhaustivité documentaire qui peut faire la justesse de
l'image globale.

J'ai exploré une contrée où les idées de territoire et de partage (ou de division) sont particulièrement présebtes. Mais je ne voulais pas en rester à ces idées,
je ne voulais pas leur donner une consistance définitive. Je voulais au contraire les interpréter, les transformer, en rassemblant les différence culturelles, sociales et
linguistiques, dans un même réseau d'images.
L'image photographique isole, sépare, divise, autant qu'elle rapproche. Le montage permet de rassembler ce qui a été séparé. Et il rapproche, au sens où il met
ensemble.
Je n'ai pas cherché à produire l'image véridique d'un pays. Comment le pourrais-je? J'ai seulement essayé de construire l'image globale d'une contrée, faite
de singularités locales, clairement désignées (puisque chaque image est légendée). Je me suis aperçu que mon propre passé juif et méditerranéen retrouvait là
un milieu actuel et pour moi une proximité nouvellen dans la mesure où un contexte de conflits irrésolus me permettait de dégager des différences significatives.